Aide personnalisée 1 - Aide spécialisée 0

Publié le par Gilles Lehmann

     Comme tous les enseignants, ou du moins comme tous ceux que l'avenir de l'école intéresse encore, je me suis penché sur les dernières idées de réforme du ministère de l'Education nationale.

 

 

     On parle de fuites à propos des documents publiés par certains sites ou journaux. Pour moi, cela sent plutôt la campagne de communication savamment orchestrée, comme si le gouvernement voulait tester le degré de résistance des maîtres et des parents. Tout le monde va discuter un moment, pousser les hauts cris, puis les organisations syndicales suivront l'opinion commune en acceptant le dépeçage du système éducatif, en échange d'une amélioration de la satisfaction matérielle des enseignants : le gouvernement oubliera le retour aux quatre jours et demi de classe, arrosera les bons petits fonctionnaires de primes dérisoires et n'augmentera pas le nombre de jours travaillés dans l'année. Payé un peu plus, travaillant un peu moins, le maître regardera le monde sombrer autour de lui sans trop d'états d'âme, en vrai collaborateur de la mise en bière de l'école républicaine.

 

 

     Arrêtons-nous un instant sur la suppression programmée des RASED, avec entre autres joyeusetés "la mise en extinction des psychologues scolaires". C'est beau à pleurer le jargon des cervelles rétrécies. Depuis deux ans, nous sommes quelques-uns à dire que l'application de l'aide personnalisée n'a d'autre but que de liquider l'aide spécialisée, par le jeu de la concurrence. Les collègues dans leur grande majorité ont toujours refusé de voir l'évidence, pour ne pas se transformer en salauds de service qui laissent crever le maître E, le maître G et le psychologue du coin.

 

 

     En lisant ce qui suit, je me dis que les enseignants ne peuvent plus se voiler la face. Salauds d'instits!


"La réforme de l’enseignement primaire visait à la fois à recentrer les actions de l’école sur les apprentissages fondamentaux et à renforcer la capacité des enseignants à mieux prendre en charge la difficulté scolaire au sein de leur classe.

 

La durée de l’enseignement scolaire dans le premier degré est désormais fixée à vingt-quatre heures hebdomadaires dispensées à tous les élèves auxquelles s’ajoutent deux heures d’aide personnalisée en très petits groupes pour les élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages. Cet effort représente l’équivalent de 16 000 postes d’enseignants entièrement dédiés à aider les élèves qui en ont le plus besoin.

 

Dans ce nouveau contexte, la contribution des enseignants spécialisés des RASED, qui s’ajoute à cet effort, doit évoluer."

 

 

     Hélas, trois fois hélas, la FNAREN (Fédération nationale des associations des rééducateurs de l'Education nationale), la FNAME (Fédération nationale des associations de maîtres E) et l'AFPEN (Association française des psychologues de l'Education nationale) se font mener en bateau depuis deux ans. link

     Depuis les premières attaques ministérielles, les enseignants spécialisés insistent sur la différence entre aide spécialisée et aide personnalisée, sans pointer du doigt que la seconde est le fossoyeur de la première. La première charrette est passée, les naïfs ont cru arrêter la deuxième, mais ils sont en train de se faire broyer sous ses roues. Le tragique de l'histoire, c'est que les victimes de la première charrette, un quart de l'effectif environ, ne risquent pas d'aider les suivants.

 

     A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Quel plaisir peuvent éprouver les têtes pensantes du ministère à étriller quelques milliers de candides ? Mystère.

 

 

     Et c'est la même chose pour l'AGEEM (Association générale des enseignants des écoles et classes maternelles publiques) qui reçoit régulièrement des assurances du ministère, jamais avare de belles promesses. Ne vous faites pas d'illusions, les gentilles maîtresses de maternelle et les bons maîtres, nous les regarderons crever comme les autres, notre indignation bien rangée au fond du dernier tiroir de notre petit bureau de fonctionnaire obéissant. 

 

 

     Le temps de la collaboration, des partenariats, de la politesse est révolu. Ou alors il faut accepter la mort de l'école publique. Je sais bien que beaucoup d'enseignants s'y résignent déjà par bêtise ou par intérêt, car en ces temps troublés, le ministère doit distribuer quelques petits sucres. C'est de bonne guerre.

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